Jallon Jacques (Fontaines-en-Sologne, 1918 – 1940)
Brigadier, 1er Escadron, 3ème peloton. Conducteur de char Somua.


Citation. JORF 8 septembre 1941.

Jallon (Jacques), mle 465, brigadier au 2ème régiment de cuirassiers : excellent conducteur de char qui s’est distingué par son sang-froid et la précision de ses manoeuvres sous le feu, notamment au cours des combats des 13 et 14 mai 1940. Le 16 mai, au combat de Marbais, a eu son char incendié.


Séquence du combat de Merdorp relatée par le cuirassier Jean Ladouce :

“Malheureusement l’aviation et l’artillerie ont rompu derrière nous et à nos côtés nos lignes de D.P et d’infanterie. Nous tenons encore un bon moment puis il nous faut partir pour ne pas risquer l’encerclement par les flancs et décrochons progressivement. Je reste le dernier pour protéger le repli du peloton. Mon meilleur camarade, Jallon, ne me voyant pas venir s’avance vers moi avec son char puis tous deux nous partons en tiraillant sur l’ennemi qui progresse irrésistiblement.”

Jean Ladouce fait référence à son ami Jallon lors du combat de Marbais. Les équipages concernés sont le char de Huot et Ladouce, vraisemblablement le char de Burger et Melon ainsi qu’un 3ème équipage indéterminé.

“A huit heure du soir l’ordre est donné à l’escadron de poster trois chars en vedette dans les environs de Marbais. Nous partons, mon chef de voiture et moi avec deux autres équipages. Le Capitaine nous fait appeler et ne cache pas le danger de notre mission. Nous faisons nos adieux à tous nos camarades ainsi qu’à mon meilleur ami Jallon que je ne reverrai pas par la suite. L’adresse de nos familles est échangée une fois de plus. Le Commandant, le Capitaine nous serrent la main et nous partons un peu angoissés au crépuscule de cette journée de printemps.
Tant bien que mal dans la nuit nous atteignons notre position où nous nous installons en défensive à 600 mètres environ d’une crête, ayant une route nationale à notre droite et derrière nous une plaine. Nous sommes trois chars en liaison à vue c’est à dire à trois ou quatre cents mètres les uns des autres.
A part quelques lointains tirs d’artillerie, la nuit s’écoulera tranquillement sans toutefois dormir, quoique nous tombions de sommeil. Le matin du 15 mai arrive sans incident. J’abats avec mon pistolet un pauvre boeuf victime de son obstination à vouloir manger mon camouflage. Vers deux heures de l’après midi des automitrailleuses allemandes se profilent en haut de la crête sur la route. Mon char en flambe trois, les autres se replient en vitesse. L’aviation et l’artillerie entrent en action dans l’après-midi sans avoir d’objectif bien défini car nous sommes bien camouflés. Vers huit heures, l’ennemi attaque en nombre considérable, pensant sans doute avoir affaire à des forces très importantes. Nous voici seuls maintenant tous trois face à cette horde qui dévale la colline et déborde de tous côtés. Cette fois c’est très sérieux et notre position devient critique. Mon canon et ma mitrailleuse crachent dans un fracas d’enfer et presque tous les coups sont au but car l’ennemi est à peine à cinq cents mètres de nous. Vite le char radio envoie un SOS à l’escadron signalant notre position périlleuse puis nous nous replions d’environ cinq cents mètres et nous arrivons presque en même temps que les chars de l’escadron. Nous sommes à présent une quinzaine de chars contre une centaine de chars ennemis peut être. Je ne vois pas le char de mon camarade Jallon et ne m’en inquiète pas davantage car son engin était en panne d’embrayage lors de mon départ. Jusqu’à dix heures du soir nous tiraillons de tous côtés et flambons tous les chars qui essaient de nous approcher.”

Jean Ladouce apprend par le capitaine de Beaufort la disparition de son ami :

“Le jour se lève nous roulons toujours, je tombe de sommeil au volant. Jetant un coup d’oeil au compteur kilométrique, je m’aperçois que nous avons fait trente kilomètres à tourner en rond. Le canal de Charleroi est en vue, les ponts ont sauté ! que faire, allons nous une fois de plus être encerclés ? Nous longeons la rive sur environ un kilomètre et nous trouvons un pont qui n’a pas sauté, les chars s’engagent un à un et soudain une pluie d’obus anti-chars gicle sur les blindages. Ce sont encore les armes ennemies qui nous attendent à bonne portée sur les coteaux en face. Des face s’immobilisent, les équipages tués ou blessés. Ma Mitrailleuse déverse des flots de balle sans trop savoir d’où viennent les coups. Enfin nous arrivons à traverser ce passage et nous nous retrouvons dans un petit bois où nous allons faire les pleins d’essence et de munitions. Je descends de mon engin et je m’aperçois que j’ai un galet de roulement et deux poulies coupés. J’apprends aussi par mon Capitaine que mon camarade Jallon ainsi que son équipage sont manquants, je m’informe un peu partout et un motocycliste m’assure qu’il a vu leur char flamber et que tous seraient morts à l’intérieur. Je suis profondément touché à l’annonce de cette nouvelle car c’était mon meilleur ami et peut-être ne retrouvera-t-on jamais sa dépouille. Le moral commence à baisser et les espérances du dix mai sont loins. Tous les camarades se dispersent les uns après les autres, chaque jour l’on se demande si notre tour n’est pas arrivé.”