Pellissier Maurice (1910 – 1990)
Lieutenant, 1er Escadron, 1er Peloton. Chef de peloton, chef de char Somua.

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Le journal de guerre authentique du lieutenant Maurice Pellissier se présente sous la forme d’une unique feuille de papier jaunie de dimension 65 X 38 cm. Le recto et le verso sont densément remplis. Les faits qui y sont relatés concernent la période allant du 10 mai 1940 à l’embarquement de Dunkerque du 28 mai.

Pellissier Maurice - Le 2ème Régiment de Cuirassiers - 1940

Extrait. La grande aventure commence…

“10 mai. Alerte à 1h matin. Garnissage des chargeurs. Départ le 10 à 9H. Rassemblement du régiment à Ghissignies. Départ 11H grande aventure.
Entrée en Belgique triomphale. J’emmène l’escadron. Suis en tête du régiment en side car.”

Extrait. Panne de char. Installation à Merdorp

11 mai, départ de Chastre à l’aube. Surprise ! arrivée du capitaine qui a rejoint immédiatement, par voiture, la nuit à toute allure. Il reprend l’escadron. Nous allons droit à la bagarre. Nous allons au S.O. d’Hannut, au village de Merdorp par Walhain-Saint-Paul, Tourinnes, Saint-Lambert, Orbais, Thorembais-Saint-Trond, Perwez, Geest, Gerompont, Autre-Eglise, Folx-les-Caves, Jandrenouille, Merdorp. 11 mai au soir nous sommes prêts. J’ai le malheur de perdre mon char, embrayage mort il repart sur plateforme. Mon peloton n’a plus que trois chars, beau boulot quand même. Je prends un char du peloton, conducteur M.d.L. Gervoise. Installation à Merdorp

Extrait. Le 1er escadron positionné à Merdorp reçoit l’ordre de reconnaître le village de Crehen après les combats qui s’y sont déroulés le 12 mai au matin.

“12 mai à 18H. Le Peloton Lositzky reçoit l’ordre de contre-attaquer sur le village de Crehen. Je le soutiens en m’avançant jusqu’aux lisières avec mes 3 chars (Bouilloux et Lesueur) – Je tire sans arrêt en obus explosifs sur les lisières. Je ne sais ce que fait Lositzky dans le village. J’avance encore. Je vois peu de choses. Je rentre à la nuit tombante après avoir assisté au repli des H39. J’apprends que Lositzky a disparu avec tout son peloton. Nous sommes peu inquiets, Crehen n’étant pas encore très occupé par l’ennemi. Il a dû s’engager dans le village.
12 mai à 21H. Nous sommes en position aux lisières de Merdorp. Je suis à l’extrème gauche. A ma droite successivement : Monnot – de Presle – PC du capitaine et commandant. Sur la gauche l’escadron Somua de Hardoin. Batterie anti-chars avec nous. Nuit calme. Sommes dans char pour dormir. Relève au FM près de mon char. Motocyclistes avec moi.
13 mai. 6H 1ère apparition du “Veau Marin” personne n’y fait attention et pourtant, gare à midi !
Vers 8H apparition de Lositzky à pied, a perdu son char dans un ravin.”

Extrait. Récit sans concession du combat de Merdorp tel que Maurice Pellissier l’a vécu.

“11H30 Tuons poulets – essayons manger. 11H45 Veau marin tourne… 12H, 1er obus arrive. Réglage tombe près de moi. Termine cuisse de poulet dans le char. 12H à 13H30 grosse préparation d’artillerie, très ajustée. Veau marin = cause, ne fera pas de mal. Vers 13H45 je suis à la lunette prêt à tout – débouché de l’attaque ennemie – on les attendait de Crehen, viennent de Dieu le Garde, càd de la droite dans le flanc du village. La batterie antichar fout le camp en laissant ses frères armées et chargées… Gros effectifs – sont loin à 1800-1900 m pour le moment. Types à pied. Laisse approcher. Mets H=1200. Sont de plus en plus nombreux. A 1200 m je tire. Je fauche des vagues humaines. Toujours, toujours. Brûle 15 chargeurs pleins sans arrêt. Apparition derrière de chars légers. Plateforme de D.C.A.. Motocylcistes. Gens très courageux – fanatiques. Je tire toujours, obus explosifs, obus de rupture. Je vois sauter des chars légers, des plateformes DCA. Ils sont à 500m. Gros chars lourds derrière. Je suis tiré terriblement – étincelles partout. Je n’en peux plus asphyxié par oxyde carbone dans char – Je déplace mon char pour changer l’objectif à l’adversaire. Je tire toujours – Mon conducteur s’inquiète. Nous sommes tournés par la gauche. La position devient intenable, je décide de décrocher – un char —- me suivant rapidement. J’arrive près du char du capitaine au milieu des rafales de balles. J’essaye d’envoyer mon motocylciste que j’ai avec moi aux ordres – il tremble comme un rat et ne veut pas. Je suis à moitié —- de poudre j’ouvre ma porte et en titubant je vais au char du capitaine qui me dit “allez on décroche”. J’ai compris – je reviens au milieu de la mitraille à mon char. Je dis “en route, suis le char du capitaine” à mon conducteur – puis plus rien je reste au fond anéanti la tête en feu.”

Autres extraits à suivre…


Remerciements à Michèle Warne, fille de Maurice, pour l’intégralité des documents, archives, photos visibles sur ces pages ainsi que pour sa marque de confiance inestimable.