Cadis Robert (1915, Gabarnac – 1995, Saint-Médard-d’Eyrans)
Sous-lieutenant, 2ème Escadron, 3ème Peloton. Chef de peloton, chef de char Somua n°86. Equipiers : Joseph Bruneau, Pierre Lemerle.

Portrait du Lt Cadis en 1942 lors de la captivité

Formation

  • Journal Officiel du 16 septembre 1935 : fait partie d’une liste de jeunes gens pouvant être admis dans un peloton d’élèves sous-officiers de réserve d’une durée de 5 mois, à l’issue duquel ils peuvent être nommés, si leur classement le justifie, au grade de maréchal des logis de réserve :
    • Cadis (Robert-Pierre), recrutement de Bordeaux, école supérieure de commerce et d’industrie de Bordeaux.
  • 1938 : montant Florine, Robert Cadis est alors élève du futur colonel de Saint-André (écuyer en chef du Cadre noir de Saumur de 1964 à 1972)
  • 22 juin 1939 : concours d’admission à l’école de Saumur
  • Est appelé à l’Ecole militaire d’application de la cavalerie et du train, à Saumur, le 2 octobre 1939
  • Par décret du 12 janvier 1940 (JORF 14 janvier) , nommé dans l’arme de cavalerie au grade de sous-lieutenant. Son nom apparaît en compagnie de Jean Racine, Francis Pestel, Jean-Paul Pasteur, Roger Couly, Martial Jacquinot de Presle, Roger Monnot, Paul Lositsky, Yves Jolibois qui connaîtront tous leur baptème du feu lors des mêmes combats sur le sol belge

Magnifique photo, ne serait-ce que par sa rareté, transmise par la fille du Lt Cadis. Cette photo, datant du temps de la formation (avant-guerre), se situe à l’école de Cavalerie de Saumur et représente un groupe d’élèves-officiers (probablement). Le Lieutenant Cadis figure dans la ligne du fond, plutôt sur la droite, sous la marque noire.

Robert Cadis
Saumur

Les combats de 1940

Baptème du feu

En ce 13 mai 1940, le lieutenant Cadis, chef de peloton du capitaine Hardoin commandant le 2ème escadron, s’apprète à connaître son baptème du feu à Jandrenouille.  Dans ses mémoires de guerre le chef d’escadrons Chavardès (commandant les Esc 1 & 2) pose le décor :

“Aux lisières Nord de Jandrenouille, tenant la route Jandrenouille-Jandrain, le peloton Chauveau avait devant lui un terrain couvert, avec des haies, bosquets, et des champs de tirs assez limités. En allant vers l’Est : pelotons Cadis et Pestel bien camouflés. Le terrain devant eux était doucement vallonné, offrant de beaux champs de tir vers l’ennemi et des possibilités d’attaque ou de contre-attaque vers Thisnes.”

Journal de guerre

Journal de guerre (retranscrit depuis l’original par les soins de son fils) : “CAMPAGNE DE BELGIQUE DU SOUS-LIEUTENANT ROBERT CADIS DU 2ème CUIRASSIERS – 3ème DLM”

10m

LE 10 MAI

Le vendredi 10 mai à huit heures et demie, mon régiment reçut l’ordre de se porter en Belgique.
Passage de la frontière à douze heures quarante-cinq. Accueil enthousiaste de la population, distribution de cigarettes, de bière, de vins, etc…etc…
Vers 18 heures trente, nous arrivons au village de Gosselies où j’aperçois pour la première fois des maisons fraîchement bombardées, les pompiers essayent d’éteindre plusieurs incendies.
La colonne s’engage sur la route de Bruxelles, nous passons Frasnes-Lez-Gosselies (bombardé aussi) et nous arrivons au carrefour des Quatre-Bras. Nous prenons la direction du sud-est jusqu’à Marbais. Halte assez importante – regroupement de la colonne et départ sur Chastre.
Il fait noir, nous installons le cantonnement pour le matériel, puis allons dîner. Vers minuit, nous recevons de l’essence que nous répartissons dans les véhicules. Je dors à côté de mon char sur un peu de paille. Je souffre du froid sur le matin.

11m

LE 11 MAI

Nous sommes survolés par des bombardiers ennemis qui laissent tomber quelques bombes. RAS.
Le deuxième escadron SOMUA du deuxième cuirassiers quitte Chastre à six heures et demie. Tout le matériel et tout le monde présent. Le capitaine Hardoin, rentré de permission, a repris le commandement de l’escadron.
Nous traversons la chaussée Namur-Bruxelles et nous continuons vers l’est. Vers seize heures, arrivée à Jandrenouille. Nous mettons deux pelotons pour garder les sorties et les deux autres (deuxième et troisième) en réserve. Dîner et nuit passés sans incidents notoires (réfugiés Belges, civils, militaires).

12m

LE 12 MAI

Le dispositif est le suivant : DLM du nord au sud.
DP; 1er cuirassiers
DP; 2ème cuirassiers,
           1er escadron à Merdorp,
           2ème escadron à Jandrenouille.
Les deux escadrons Hotchkiss de chaque régiment sont en avant avec les DP.

Le matin, violents bombardements sur tous les environs. Nous sommes continuellement survolés et mitraillés. Absence totale d’avions alliés. Nous restons près de nos chars, prêts à toute éventualité.
Vers dix-sept heures, le capitaine réunit ses officiers. Les Allemands attaquent notre première ligne. Crehen est pris, le colonel me donne l’ordre d’aller l’occuper. J’allais partir lorsque le renseignement se précise. Très grosse attaque, dix chars sur quarante arrivent à se replier, le reste est anéanti.
Mon peloton reçoit l’ordre de s’installer en avant de Merdorp, face à Thisnes qui reçoit
un très fort tir d’artillerie française.

12m13

NUIT DU 12 AU 13 MAI

Une plaine devant moi – clair de lune léger et insuffisant pour distinguer à plus de dix mètres. A dix mètres en avant de mon char, pistolet à la main, j’écoute et j’attends le jour avec impatience.

A vingt-deux heures, nous recevons un tir d’artillerie allemande, je constate que beaucoup d’obus n’éclatent pas.

Vers deux heures, j’entends des bruits devant moi, j’allais tirer lorsque je reconnais quelques DP hâves et hagards qui ont échappé à l’attaque précitée.

Le jour arrive enfin. Je suis épuisé et j’ai faim.

13m

LE 13 MAI BATAILLE DE MERDORP

A sept heures, mon peloton contre-attaque sur Wansin pour protéger le repli d’une batterie antichars. Succès. Nous détruisons une arme antichar allemande. Retour vers huit heures. RAS.
Le peloton antichars du 76 prend l’emplacement que mon peloton occupait durant la nuit.
Je reçois l’ordre d’aller m’installer au nord-est de Jandrenouille. Nous pouvons nous ravitailler un peu mais, vers midi, nous sommes sous un feu violent d’artillerie.
Vers minuit, nous apercevons une attaque blindée allemande, nous l’arrêtons net après leur avoir démoli deux chars (ou auto-mitrailleuses). Chez nous, RAS.
Notre ligne ayant été percée à droite (1er escadron) et à gauche (1er cuirassiers), nous recevons l’ordre de repli. Violents bombardements. Nous reformons la ligne en avant de Folx-les-Caves. Nous sommes environnés d’obus. On abandonne deux chars incendiés.
Repli à travers Folx-les-Caves où nous sommes attaqués par les avions, une bombe sur l’avant de mon char – émotion mais RAS.
Le repli continue jusqu’à Orbais ( nous avons traversé la ligne antichar où quelques éléments du GR s’installaient).
Aussitôt arrivés à Orbais, ravitaillement en munitions. La nuit tombe, nous dînons (œufs) et nous nous couchons vers minuit, épuisés.

14m

LE 14 MAI

On me réveille brusquement, il faut contre-attaquer sur Perwez. Je m’équipe en hâte. Mon peloton attaque à l’aile droite. Nous nous arrêtons sur le flanc ennemi et ouvrons un feu d’enfer.

L’ordre de repli arrive, je quitte le village le dernier, poursuivi par les chars allemands. Ayant aperçu un char ennemi me poursuivant sur la route, je m’arrête à un virage et au moment où il apparaît, je le détruis de deux coups de 47 à deux cents mètres.
Deux kilomètres plus loin, je répétais avec succès le même stratagème. J’arrivais ainsi à Tourinnes-Saint-Lambert où je trouvais l’escadron (une partie) en train de faire les pleins d’essence. Possédant plus de deux cents litres encore, je reçus l’ordre de continuer sur Walhain-Saint-Paul direction Perbais et Chastre.

Je trouvais là le reste du régiment et mon capitaine à la sortie sud-est.

14mcap

MA CAPTURE

L’axe de repli sur Chastre apparaissant coupé, le capitaine me donne l’ordre de me porter à la partie ouest-nord-ouest de Walhain où je trouve le PC du 2ème escadron et le PC du colonel.

On me place, avec un char de mon peloton au sud-sud-est de Walhain. Les chars allemands apparurent vers dix-huit heures. Nous ouvrîmes le feu durant dix minutes. Je démolis le troisième char de la journée, qui flambe.
J’observais en arrière, plus personne. Je décidais de décrocher. Je fais le signal et mon char se met en mouvement. Je reçois à ce moment là un obus dans la tourelle.

Je perds connaissance et tombe au fond du char.

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Correspondances
à la famille

Extraits de deux cartes-lettres écrites le 8 août 1940 par Robert CADIS, adressées à sa mère et à son frère, à Gabarnac (Gironde). Retranscription réalisée par son fils.

“Je suis entré un des premiers en Belgique, le vendredi 10 mai. J’ai reçu ce jour là mon premier bombardement. Le samedi matin, nous commencions le combat qui devait se terminer pour moi le mardi 14 mai à 19 heures. Bataille de jour et de nuit sans manger ni dormir.

Le mardi fut le plus dur. Nous avions perdu la moitié du régiment. Pour essayer de contenir l’avance allemande, nous avons exécuté trois contre-attaques auxquelles j’ai participé. C’était une véritable mélée au milieu des obus et de la fumée. La deuxième contre-attaque me valut ma mitrailleuse arrachée ainsi que tous mes coffres. Une bombe ayant éclaté tout près de mon char, ce dernier était tout noir.

C’est sur le soir, alors que les restes de mon régiment se repliaient que je recu ma blessure, un obus perforant passant dans ma tourelle m’a éraflé la pommette gauche. J’ai perdu connaissance. Quelques minutes plus tard, je rouvrais les yeux, j’étais à dix mètres de mon char qui brûlait. Mon conducteur qui m’avait traîné jusque là était blessé (deux balles dans le bras gauche et deux doigts de la main droite arrachés). Mon radio était mort. Je voulus marcher pour essayer de m’échapper mais, quatre cents mètres plus loin, je retombais évanoui. C’est là que les allemands me firent prisonnier. Quand j’ouvris les yeux, un jeune officier allemand était penché vers moi. Il me parlait en français : ” On va vous soigner et vous faire transporter à l’hôpital, pour moi vous n’êtes plus un ennemi mais un soldat qui a fait son devoir.” D’autres s’approchèrent et me firent boire. (je suis obligé de reconnaître que les allemands se sont montré bons et corrects pour moi et en général pour tous les prisonniers français que j’ai rencontrés depuis.)

J’ai été blessé à Walhain-Saint-Paul au nord de Namur. Quand je me suis réveillé, il y avait une infirmière qui m’a dit : “Cela fait quarante-huit heures que vous dormez.”  J’avais un mal de tête terrible. Maintenant, cela est passé et je conserve une petite cicatrice (une de plus)- mon oeil gauche y voit presque normalement, mais j’ai eu bien peur de le perdre.

Actuellement, je suis dans une chambre avec quatre officiers dont un instituteur et un professeur d’école normale. Je suis guéri et j’ai tout ce qu’il me faut. On nous a payé la solde et je me procure ce dont j’ai besoin.Pour ne pas perdre mon temps, j’ai acheté des livres et j’apprends l’allemand.

de Marcel Janssen

Le MDL Janssen est hospitalisé à Liège tout comme le Lt Cadis. Les deux hommes ont donc la possibilité d’échanger leurs impressions. Dans un courrier adressé au Capitaine de Beaufort, Janssen rapporte le récit de la destruction du Somua 86 tel que Robert Cadis l’a relatée.

“J’ai retrouvé à l’hôpital de Liège le MDL Tribout, le Brigadier-Chef Haret et Doudeau le conducteur du S/Lt de Presle. Il y avait aussi le S/Lt Cadis et son conducteur Bruneau; ce dernier avait deux doigts de la main gauche coupés et le bras droit paralysé. Le S/Lt Cadis m’a conté sa bravoure.

Alors que leur char était entouré de chars ennemis, Bruneau étant déjà blessé au bras, le S/Lt Cadis la joue gauche arrachée par un obus perforant, demanda à son conducteur et à son radio s’ils voulaient abandonner le char, après y avoir mis le feu, et tâcher de se sauver à pied. Bruneau lui demanda alors combien il lui restait de munition. Le S/Lt lui ayant dénombré ce qui lui restait d’obus et de chageurs, Bruneau lui répondit : “Finissez vos munitions mon Lieutenant, nous verrons après“. Ce qui fut fait. Ils quittèrent ensuite le char, c’est alors que le radio fut tué et Bruneau plus grièvement blessé.”  [Archives 2ème Cuirassier, via E. Barbanson]

à propos d’autres combattants

Dans un courrier qu’il adresse à un autre officier depuis la captivité, Robert Cadis relate ses impressions sur ces évènements tragiques auxquels il a eu à faire face. Ce courrier très intéressant donne les noms de plusieurs camarades de peloton ou de régiment que sont Sainte Marie Perrin, Pivard, Bruneau, Lemerle, Weber, Jeny :

[Archives 2ème Cuirassier, via E. Barbanson]
Citation

Journal Officiel du 9 mars 1941.

“CADIS (Robert-Pierre), sous-lieutenant, du 2ème régiment de cuirassiers : jeune officier plein d’allant et d’enthousiasme. S’est particulièrement distingué, le 14 mai 1940, en combattant jusqu’au contact immédiat des chars lourds ennemis.”

Somua 86
H. Legros, Le Couloir des Invasions, 2019, p280 – Reprodution
Endroit supposé de la destruction du char au début de la rue Sauvenière à Walhain-Saint-Paul

Hopital Saint-Laurent, Liège

Les 2 photos ci-dessous ont été aimablement transmises par Marguerite Janssen, fille de Marcel, maréchal des logis (1er esc., 2ème pel.) gravement blessé lors du combat de Merdorp. Marcel et Robert séjournent dans cet hopital miliaire de Liège avant la captivité. Les photos datent du 21 juillet 1940 (fête nationale en Belgique).

R. Cadis debout au centre; M. Janssen à sa gauche (pipe en main)
R. Cadis agenouillé à droite; M. Janssen agenouillé à gauche (pipe en main)

Captivité

Robert Cadis est en captivité à l’Oflag VID, block1, à Munster.

Robert Cadis au centre
© Pierre Cadis
Robert Cadis à gauche
© Pierre Cadis

Après-guerre

Comme la légende de la photo l’indique, Robert Cadis est mis à l’honneur à Angoulême (Quartier Fayolle) lors de la présentation de l’étendard du 6 mars 1947.

Robert Cadis
Angoulême
Présentation de l'étendard

Robert Cadis poursuit sa carrière militaire au sein de la Cavalerie.  Il participe à d’autres conflits en Extrême-Orient, en Indochine (13ème DBLE) ou en Algérie (4ème Dragon) ainsi qu’en attestent les nombreuses distinctions honorifiques reçues. Dans le tableau ci-dessous on peut reconnaître entre autres :

  • Croix du combattant français (deuxième guerre mondiale)
  • Ordre de la Légion d’Honneur, grade de Chevalier
  • Ordre la Légion d’Honneur, étoile d’Officier
  • Croix de la valeur militaire avec étoile de bronze
  • Croix de Guerre avec Palme
  • Emblèmes de la 13ème DBLE et du 4ème Dragon
  • Médaille commémorative de la guerre 1939-1945 (coq avec ailes déployées)
Chef d'escadrons Robert Cadis
Médailles

Robert Cadis, officier de Cavalerie

Robert Cadis
Officier de Cavalerie

Remerciements à Mr Pierre Cadis, fils de Robert, pour son intérêt chaleureux témoigné à ce projet ainsi que pour les remarquables archives transmises. Que soit également remerciée Mme Catherine Buge, fille du lieutenant pour les mêmes raisons.